Depuis plusieurs mois que nous suivons le lagon saphir et vivons avec les pêcheurs Vezo nous avons eu le temps de nous faire une opinion validée par tous les observateurs scientifiques rencontrés : la ressource halieutique se tarit à vitesse grand V et les pratiques sont très lentes à évoluer vers des pêches plus durables encadrées par des moratoires ou des zones protégées. La sensibilisation certes indispensable, montre tous les jours et en toutes circonstances ses limites et bute sur une vérité : ventre affamé n’a point d’oreille. Et vu la croissance démographique de ces populations côtières de 3% par an, ce combat là est perdu d’avance. Il est donc urgent de trouver des solutions alternatives pour le futur proche de centaines de milliers de gens qui ne vivent que des fruits de la mer. C’est ce revirement qu’à entrepris la compagnie Copefrito, exportateur des produits de la mer et placé au coeur de cette problématique de l’épuisement des ressources, étant le plus gros acheteur-collecteur-exportateur de produits de la mer à Madagascar à travers toutes ses filiales. Avec IOT, dont ils sont actionnaires majoritaires, ils ont résolument pris ce tournant vers l’avenir par de lourds investissements. Car il est temps de franchir sur mer le cap du néolithique passé sur terre il y a 10 000 ans… Cet article est le fruit de la découverte de cette initiative modèle. Enfin quelque chose de positif que nous voyons sur notre parcours !
Après 15 jours dans la ville, nous quittons nos amis de Trajectoire-Madawatt, Eric et Lala Pillet dont l’hospitalité n’a eu d’égal que la générosité. Merci au directeur du collège français, Jean-Philippe Moud, au consul de France Jacky Melard, à la maitresse d’Ulysse, Patricia Cheng, au maître de Philaé Fabrice Rozié, à Juliette et Fred et à notre chère Sandrine de l’Etoile de mer. Tous ont rivalisé de gentillesse et de compréhension.
Les enfants reprennent fièrement la marche malgré l’absence de leur maman rentrée en France au chevet de son papa pour 10 jours. Elle rentre demain…
En sortie de ville nous avons rendez-vous avec Olivier Avalle, le directeur de la ferme de concombres de mer I.O.T. (Indian Ocean Trepang)
Pendant 3 kilomètres la piste qui y mène est surréaliste… bordée de cailloux, plantée d’aloès… Et Philaé de s’exclamer « mais pourquoi c’est pas partout comme ça dans le pays ? »…
Ulysse guette l’apparition des bassins qui se voient sur Google Earth…
Et depuis notre drône ! 40 bassins de 1000 m2 chacun
Olivier Avalle nous y accueille, et se prête avec enthousiasme à toutes les questions d’Ulysse
aucun intran dans cette aquaculture hormis des sédiments de sable récoltés alentours, que les concombres vont filtrer pour grandir, comme des « vers de mer »
20 000 par bassins
ceux là ont cinq mois,
Concombre ou cornichon ? Celui- là de 6 mois, est prêt à être relâché dans la ferme marine située à 14 km de là.
mais commençons par le commencement : l’écloserie, ou les gonades mâles et femelles des concombres sont mélangées selon une recette tenue secrète pour créer des larves de trépang, microscopiques,
Qui vont être nourries au diatomées, au brouet d’algues et à la spiruline. Elles sont invisibles à l’oeil nu pendant de longues semaines.
Pour donner au bout de trois mois, forme à ces micro-concombres…
et c’est déjà un miracle très fragile d’arriver jusque là !
Nous quittons les bassins d’IOT en longeant la mangrove,
et reprenons la piste avec Mario qui s’impatientait à Tulear ! Objectif, les enclos marins d’IOT sur le site dit » de la mangrove. »
Lui et Philaé sont comme larrons en foire ! les concombres, c’est pas leur truc !
40 hectares d’enclos dans la mer, surveillés par 8 miradors, car les concombres adultes suscitent la convoitisent dans les villages voisins. IOT développe des sources de revnus alternatives pour ces populations afin qu’elles ne soient plus tentées. En quelques nuits, les 22000 concombres de cet enclos ont disparu…
18 surveillants se succèdent par deux toute la nuit en effectuant des quarts.
c’est la relève du matin et la récupération de la récolte nocturne.
Les casiers après la récolte, sont acheminés d’un coup à terre., deux fois par mois, lors des grandes marées.
Seuls les concombres au dessus de 400 grammes sont sélectionnés.
de belles bêtes qui ne sont dorénavant plus prélevées du milieu naturel d’où elles ont largement disparu.
Elles sont aussitôt incisées…
Puis éviscérées…
Et en équipe : il faut en occire 1200 !
Le soir, grâce aux talents culinaires de Marie, l’épouse d’Olivier, nous avons droit à une dégustation de porc au trépang et champignons chinois : je vais vous surprendre, c’était délicieux !
Comment dire ? un rien gélatineux, comparable au pied de porc, mais sans gras, délicatement poivré et fondant. Rien de prononcé ni de marin. Très agréable. Un complément idéal.
Toute l’équipe s’est prêté au jeu du film documentaire que nous avons tourné pour la chaine Voyage. Surtout Benoit, dont j’ai cherché en vain une photo !
Nous repartons pour l’exploitation des algues par la communauté villageoise de la presqu’île de Sarodrano. Toujours en joyeuse compagnie…
Toute la baie est « tissée » de lignes d’algues bouturées, qui croissent en un mois. C’est l’algue rouge Cotoni (euchema cottonii)
Qui se bouture aisément par simple fractionnement. Nous rencontrons Matsuke, une exploitante de sa parcelle familiale qui compte 200 lignes de 10 mètres.
En deux marées elle a su récolter 350 000 ariary d’algues (110 euros) , soit le salaire d’un cadre moyen, ce qui est est considérable pour ces populations, habituées à des revenus 10 fois moindres.
Fred Pascal, en charge de cette exploitation villageoise par Copefrito, nous explique que les villageois ont des dotations gratuites de piquets galva (pour ne pas déforester la mangrove avec des piquets en bois…) et de fils, avec la garantie de revendre à prix fixe toute leur récolte.)
Matsuké nous explique qu’elle pourrait en gérer 200 de plus.
Les enfants que ces chiffres assomment préfèrent compter les étoiles !
Les algues récoltées sont rassemblées dans des barques plastiques fournies, qui peuvent emporter 700 kg de matière humide.
ces zones d’aquaculture sont de facto des sanctuaires pour une profusion d’animaux qui disparaissent ailleurs : ici un crabe inconnu !
Les poissons viennent y pondre et les alevins s’y protéger.
Fred est très heureux de ce qu’il constate : en deux ans, la production à quintuplé et les perspectives ne sont limitées que par la limite des zones propices.
de cette algue on tire la carraghénane, substance gélifiante qui rentre dans la composition d’un nombre considérable de produits alimentaires et cosmétiques.
Les femmes y gagnent une indépendance financière considérable.
ce qui veut dire une indépendance tout court ! condition sin equa non du développement.
retour au bercail !, la marée monte !
tout le monde converge vers la plage de Sarodrano,
où la moisson est imposante !
les algues sont emportées sur des tables de séchage,
Où elles vont rougir au soleil en se déshydratant, et perdre 80% de leur poids.
Fred est aux anges ! Il adore son boulot ! c’est si rare de développer une activité qui a un impact aussi direct et bénéfique sur les familles. Toutes nous ont dit que l’argent servait à payer l’école, et améliorer les conditions d’hygiène et sanitaires de leurs foyers, et améliorer leur habitat. Ce revenu est géré par les femmes…Plus j’avance et plus que suis convaincu que l’ONG la plus efficace, c’est l’entreprise…