Tous les articles par Alexandre Poussin

RN5 Acte 2

Avant de retourner à Mananara pour retrouver le fil de notre marche interrompu par ma fracture du 5e métacarpe, voici enfin la seconde partie de cet itinéraire de fous qui nous y a conduits à partir d’Antanambé.

La journée commençait mal, au premier bac de Vahibé, rupture de notre joug qui venait du pays Mahafaly, juste après m’être fait encorner par Zombie. Bêtement j’avais réagi par un coup de poing fatal. Je pensais être seulement foulé. Je n’imaginais pas encore la fracture… Il y avait comme qui dirait de l’électricité dans l’air ! On bricola un autre joug sur le chantier d’une case en construction. Et un strapping pour les doigts. Demi-tour ? Pas question, la seule sortie est en avant !

Pendant ce temps là, Mario veille sur Laika…

Et Philaé dorlote un bébé de lémur bambou, braconné par un forestier.  En mettant le feu à la forêt pour y planter du riz pluvial, les paysans défricheurs, récupèrent ces petites victimes et les revendent aux gargotiers…

Le lendemain c’est le 31 décembre ! l’occasion de se reposer un peu. A partir de Sahasoa, départ vers le parc marin de Nosy Antafana

Ulysse prend vite la barre !

Composé de trois ilots déserts, il est une réserve marine. Les riverains ont le droit de venir y pêcher un jour par semaine,  le jeudi.

C’est un écosystème, mystérieux et préservé. On dit qu’un résurgence d’eau douce, si loin de la côte, est responsable de la présence d’une mangrove.

Plusieurs théories expliquent ces tombeaux mystérieux, je ne m’aventurerai pas à les énumérer.

le camp est désert et confortable, nous avons l’ile pour nous seuls !

Le clou de l’ile c’est la colonie de 20 000 Roussettes qui y ont trouvé refuge à l’abri du braconnage incessant dont elles sont l’objet sur la grande terre. L’ennui c’est que tous les soirs elles la quittent en procession, et c’est poignant de les voir viler comme des escadrilles, dont certaines ne reviendront pas, particulièrement les femelles, plus lourdes, qui se prennent dans les filets des braconniers, tendus sur leur passage, comme des collets sur des sentes animales.

Frugivores, elles partent butiner le nectar dans les vestiges de la forêt du parc de Mananara nord. Et cela cause souvent leur perte.

Redépart de Sahasoa, où nous avons été si bien accueillis par Patrick et l’équipe des femmes du villages consituées en société de développement communautaire. En 2016, seuls 47 touristes ont visité Nosy Antafana… Aller là-bas c’est faire acte de conservation. Car si nous n’y allons pas plus, le parc n’a pas d’avenir…

Quant à nous, au sortir de Sahasoa, les premières pentes s’annoncent…

Et se corsent bientôt

Mais nous savons que nous ne sommes pas au bout de nos peines…

En fait cela ne fait que monter sans cesse

Laika est la première à jeter l’éponge.

On croit respirer dans les micro descentes, en fait c’est pire…

Car la charrette menace de basculer sur les pierres…

yin et yang improvisé !

Non ce n’est pas la piste ! faut pas déconner tout de même ! A Mena Tany, Thomas nous conduit aux chutes paradisiaques qui abreuvent les rizières du village.

Dans l’eau je ne sens plus la douleur de ma main !

Les enfants s’en donnent à coeur joie !

Banzaaaaï !

C’est l’époque du repiquage, alors tout le monde foule la boue !

Même nous ! Qui louons pour repartir, des pousseurs à la journée.

Car nous entamons la mythique montée d’Ivontaka, redoutée par tous les chauffeurs du pays… De mémoire d’homme, elle n’a jamais été montée en charrette à zébus !

On comprend vite pourquoi…

Les sabots des zébus détestent les pierres..

unis dans un même effort !

Le seul répit, les quelques ponts de Colas !

Ainsi que les sourires et la joie de voir une charrette !

Et c’est reparti pour la montée de 14 km !

durant laquelle nous croisons plus de motos que de voitures…

et ça dure…

et ça n’en finit pas…

à pas mesurés, nos zébus sont super entrainés et se comportent parfaitement bien.

Mario mène la danse en éclaireur !

Laïka se fait porter à tour de rôles…

Avec l’élévation, nous jouissons d’un magnifique panorama sur Nosy Antafana !

Nous y étions il y a deux jours !

Au sommet de la montée d’Ivontaka, une des lames de fixation de notre bandage de roue lâche ! Bricolage improvisé…

 

Mais le caoutchouc tient toujours bon ! J’avais oublié que nous avions 4m de bande de roulement !

La pluie calme vite notre ardeur à repartir…

Nous restons dans une maison en chantier pour la nuit.

Le lendemain, c’est un chantier boue qui nous attend…

Seuls des 4×4 préparés spécialement pour cette route, peuvent l’emprunter. Amortisseurs surélevés, pneus spéciaux.

Si vous voulez voir ce que cela donne en vidéo, un groupe local s’est amusé de cette dévastation pour réclamer en chantant des travaux ! le groupe les Roberts : Mila Fanamboaragna !

Nous chantons Mila Fanamboaragna pour nous galvaniser !

Au fil des années des ornières de plusieurs mètres se sont creusées, jusqu’à la roche mère. Et ça repart dans les montées…

ceux qui n’ont pas de moto, font la route à pieds…

En malgache on dit « mitosika » ! pousser, mais cela se prononce « mitousk » !

Et cela a beau être lent, c’est souvent acrobatique !

Les flaques de boue recèlent des pièges traitres !

Mais le plus dangereux pour la charrette et les zébus ce sont ces rochers et les trous qui les suivent.

Notre bandage de droite rend l’âme, découpé par le patin de frein

Ulysse et Revel tentent de sauver ce qui peut l’être…

Même les voitures boostées aux amphétamines souffrent. Nous en rencontrerons quatre en panne. C’est très peu !

Car quand la pluie s’y met, c’est la bérézina !

Sans les bandages nos roues s’enfoncent beaucoup plus dans les ornières de latérite.

Mais après la pluie…

Ca repart comme en 40 !

Mais gare aux chausses trappes ! et aux glissades !

Si la charrette se renverse sur ces rochers c’en est fini de Madatrek !

Donc je fais le singe toute la journée avec la main gauche (je vous rappelle que la droite est cassée depuis  5 jours…

Laika préfère ne pas voir ça !

Ouf ! c’est passé !

Rares sont les endroits où l’ont peut se croiser ou se dépasser.

Les lits rocheux sont très glissants pour les sabots des zébus…

C’est ici que nos deux lames ressort vont casser….

Les forêts primaires ont disparu au profit de friches et de cultures.

Cette piste est interminable…

Notre allure prend des airs de trial !

Avec négociations d’obstacles…

Philaé s’essaie à la caméra !

On prend confiance…

et on frôle la catastrophe !

Je me précipite pour ratrapper la charrette au risque d’être écrasé !

J’ai joué à la béquille de secours le temps d’une seconde suspendue, la charrette était sur une roue !

Soulagement en arrivant à Seranambé. Des petits vieux sont si heureux de nous voir qu’ils en oublient la mesure ! (la bière aidant ils sont tout à fait désinhibés et imbibés !)

Ils s’expriment en vieux français charmant et désuet :  » vous voir était comme une apparition, comme un retour dans le temps, j’ai d’abord regardé ma bière et pensé que j’en avais abusé ! » Les deux assertions étaient vraies !

Les enfants nous conduisent en procession à l’école…

En passant par la plage…

Voyez comme la roue s’enfonce sans bandage…

Heureusement nous profitons d’un camp de rêve derrière l’école de Seranambé…

Car tout le monde à besoin d’un repos bien mérité…

Ce que j’ai oublié de vous dire c’est que j’ai été mordu par une tique qui m’a transmis la rickettsiose, qui se traduit par cet abcès, l’inflammation des ganglions de l’aine et un fièvre de 38,5 / 39C°, alors qu’il fait 35C° avec un taux d’humidité de 100%. Bref je suis stone toute la journée !

Au sortir du village, c’est une apparition ! la seule portion intacte sur 167 km. Un vieux me raconte : « en 67″ toute la route était intacte et pavée, il y avait des cantonniers responsables tous les 5 km. Nous pouvions aller à Tamatave en une journée en 2 cv ou en 203 ». Nous avons peine à le croire. Un autre nous dira qu’il faisait la piste en solex !

Quel rêve !

nous nous réveillons 200m plus loin…

la routine quoi !

Qui est celle de tous les riverains !

dont nous partageons le sort !

Sauf qu’eux passent ici toutes les semaines…

Et que pour nous ce sera une fois dans la vie !

Cette ornière est célèbre sur le parcours !

Elle fait reculer beaucoup de pneus lisses !

Nous y restons coinçés une bonne demi-heure !

Mario, épuisé, commence à en avoir marre de nos folies !

C’est bon les gars ! vous pouvez y aller, la voie est libre !

Une seule,  reste imperturbable…

Soulagement à Imorona, c’est plat et notre destination approche !

Là encore, un camp de rêve sur la baie d’Antongil, bien mérité !

Comme s’il y avait une justice immanente à nos souffrances.

Mais le dernier jour est un des pires….

Comme dans les jeux vidéos, le dernier tableau est souvent fatal !

Héhé, tout le monde est logé à la même enseigne !

Si quelqu’un arrive en face on est foutus…

Car on a pas l’option marche arrière !

parfois les flaques sont très profondes !

les paysans dans leurs rizières regardent passer la caravane !

Heureusement il y a les pauses café !

avec des princesses au pieds nus

qui ne perdent pas le sourire malgré les difficultés !

 

et c’est dans cet appareil que nous entrons dans Mananara !

sauf que la piste empire et que la ville n’arrive jamais !

Et dire qu’il y en a qui paient pour les bains de boue !

Ca y est nous y sommes !

Terminus devant chez Roger !

je crois qu’on va se reposer un peu…

repos et repas bien mérité pour Revel et Christophe !

qui peuvent ensuite raconter à la foule leurs exploits

A Mananara sur la baie d’Antongil, le port est actif et les enfants sportifs !

C’est là qu’un magnifique Cessna envoyé par Assistance Plus, notre partenaire évacuation sanitaire, vient nous évacuer vers Tana.

A Tana, le verdict tombe vite ! Je ne vous racontais pas des blagues, j’avais vraiment la main cassée sur chacune des photos que vous avez vue !

Mais ce qui me turlupinait le plus c’était cette fièvre lancinante et cet ulcère de rickettsiose qui ne se soignait pas, j’ai pris d’abord de l’amoxicilline, puis du clamoxil avant de comprendre qu’il fallait un antibiotique qui pénètre les cellules : de la tétracycline ! Autant dire que j’étais stone avec une flore intestinale bien flinguée !

Le lendemain j’étais réparé par le docteur Bentolila et son extraordinaire équipe de la clinique Jeanne d’Arc les Orchidées.

Où j’ai coulé des heures heureuses, émerveillé par le luxe, la débauche de moyens, le soin, le calme, la gentillesse de tout le personnel, et leur professionnalisme ! Mon dieu que c’est beau un pays qui marche ! On a tendance à l’oublier ! Vive la France !

Passage par la radio ! Nous avons offert grâce à votre générosité presque le même modèle aux soeurs de Farafangana.

Et voici la broche qui va reduire la fracture à merveille, une vraie « masikita » (brochette !)

dans la pharmacie d’en face une charmante kiné prothésiste me réalise cette petite merveille en un tournemain.

et dès le premier jour je retrouve ma main !